L’humour en deuil
ALBERTVILLE - Avant l'attentat de Charlie Hebdo, je ne pensais pas qu'on pouvait tuer pour un dessin.

Étant d’origine française, ma jeunesse a été bercée par l’humour caustique de ce journal qui repousse toujours un peu plus loin les limites de la liberté d’expression. Tout le monde y passe: la gauche, la droite, le Front National ainsi que les religions – toutes les religions. Ces enfants de mai 68, pour qui «la religion n’est que l’opium des peuples», ont pour devise «Ni Dieu ni maître» comme le chantait si bien Léo Ferré.
Les Cabu, Wolinski, Honoré Tignous et Charb étaient surtout de grands enfants, moqueurs, rieurs et insouciants. Ils nous montraient, par leurs dessins, les travers de notre société bien pensante. Bien sûr, ils faisaient souvent bondir de leur chaise certains politiciens, notables et religieux. Ils ont même eu droit à quelques procès, la plupart du temps sans préjudices, les juges sachant très bien que l’esprit de Voltaire occupe une place de choix dans le droit français. De plus, cette bande de gai-lurons n’était pas que des dessinateurs, ils étaient aussi de grands humanistes, n’hésitant pas à se rendre bénévolement dans les écoles de cités dites sensibles ainsi que dans les prisons pour enseigner le dessin. Par leur mort, on n’a pas que tué le talent, mais aussi le rire et l’insouciance, car malgré les menaces que subissaient ces hommes, avant tout pacifistes, ils se refusaient de croire au pire et gardaient espoir en l’humanité.
Je reste persuadé que d’autres leur survivront, armés de leurs seuls plumes et crayons. Ils continueront de pourfendre l’ignorance et l’obscurantisme qui aveuglent certains afin que nos enfants puissent encore rêver d’un monde meilleur, sans armes ni violence. La ministre de la justice française Mme Taubirat, qui assistait aux obsèques de Tignous (un des dessinateurs lâchement assassinés), a cité un extrait d’un poème de Paul Éluard (Dit de la Force de l’Amour): «Tu rêvais d’être libre et je te continue…». Je terminerai par la devise de l’autre célèbre journal satirique français, Le Canard Enchaîné, qui publiait aussi périodiquement des dessins de Cabu: «La liberté de presse ne s’use que si l’on ne s’en sert pas».
Jean-Pierre Charce
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